Plaidoyer pour une formation supérieure à l’université destinée aux seniors

Le 14 décembre 2020 par Chaire TDTE

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Plaidoyer pour une formation supérieure à l'université destinée aux seniors


Ce plaidoyer a été présenté lors des conclusions du Symposium International 2020 organisé par le Réseau EIDLL et la Chaire TDTE.


Le phénomène du vieillissement démographique va fondamentalement transformer nos sociétés. Un quart à un tiers de la population va passer près d’un tiers de sa vie à la retraite ; c’est la Société du Vieillissement. Ce phénomène sans précédent dans l’histoire de l’humanité va bouleverser les perceptions et les relations entre générations. Les seniors, qui sont riches d’une histoire, de connaissances, de savoirs et de compétences acquis tout au long de leur vie se voient à partir de 62 ans mis « en retrait » de la société alors qu’ils pourraient tant apporter à celle-ci. Cette situation est autant mauvaise pour la société, car tant de compétences sont inutilisées alors même que les besoins d’engagement et de solidarité sont de plus en plus vifs, mais aussi pour les seniors eux-mêmes puisque l’inactivité peut amener à l’isolement et la maladie. 

La Chaire TDTE, ces deux dernières années, a entrepris un nombre important de travaux de recherche et de revue de littérature scientifique pour comprendre les interactions entre le vieillissement actif et le bien-être des seniors. Il en est ressorti un concept innovant qui est celui des activités socialisées. Les activités socialisées désignent « toute activité sociale, un peu contraignante, d’intérêt général et pas nécessairement rémunérée » qui garantirait au senior un niveau de bien-être élevé. Cette dimension se matérialise entre autres à travers le bénévolat et la participation à la vie sociale, la solidarité intergénérationnelle et intragénérationnelle. Au-delà de procurer un bien-être au retraité, les activités socialisées visent à donner un nouveau projet de vie au senior qui pourra pleinement mettre à profit ses compétences, ses savoirs mais aussi en développer d’autres. C’est concevoir le bien-être des seniors au-delà de la satisfaction dans une activité, mais dans le développement continu de connaissances, de l’altruisme et du souci de soi.

Les activités socialisées pourraient, par ailleurs, répondre à un enjeu de taille des prochaines décennies : la perte d’autonomie. En effet, la perte d’autonomie concerne aujourd’hui 2,5 millions de personnes et concernera en 2050 4 millions de seniors. Elle pose des problèmes en termes de prise en charge ; comment allons-nous former aux métiers du grand âge 260 000 professionnels dans les 5 prochaines années alors même que le nombre de candidatures s’effondre depuis six ans ? Elle pose des problèmes de financement ; comment allons-nous trouver les 9,2 milliards d’euros supplémentaires pour financer les besoins futurs ? Et elle pose des problèmes de société ; comment soutenir les millions d’aidants familiaux qui sacrifient leur carrière et leur santé pour venir en aide à leurs proches en perte d’autonomie ?

Peut-être la solution se trouve-t-elle dans la prévention ? Une étude de Adam, Bonsang, Germain et Perelman de 2007 montre que la pratique d’activités socialisées retarde le vieillissement cognitif de plus de 3 ans suggérant alors que la pratique d’activités socialisées peut être un réel allié dans le vieillissement !

Il est temps de changer nos perceptions sur la vieillesse et de révolutionner notre société actuelle pour en promouvoir une d’activité par l’engagement des seniors. Seulement, l’engagement n’est pas toujours inné, et les trajectoires professionnelles, le passage par le chômage en fin de carrière, ne facilitent pas toujours la volonté d’engagement des seniors.

Il nous semble donc impératif de promouvoir et développer des politiques pour favoriser la transition emploi-retraite et pour sensibiliser et aiguiller les seniors dans leurs désirs d’engagement. Cette révolution culturelle ne se fera pas seule mais avec l’aide des entreprises et des organisations publiques. En effet, la crise de la Covid-19 a permis de réaliser une première expérience d’engagement des enseignants retraités au bénéfice des élèves confinés au printemps 2019. Le succès de cette initiative dans une période difficile montre que le désir d’engagement social des retraités est peut-être plus fort qu’il ne le semble et qu’il a simplement besoin d’être révélé.

Cette révélation peut être faite à travers une formation systématique l’année où le senior part en retraite. Il nous semble que les universités seraient les plus compétentes à assurer cette formation unique. Elles maillent le territoire et détiennent des enseignements de qualité. La formation continue se développe de plus en plus et les universités sont demandeuses de nouvelles formes de formation. Cette formation éventuellement assortie d’une VAE, pourrait être courte, de 2 à 3 semaines, prendre la forme d’un socle commun permettant aux seniors de prendre connaissance de l’économie sociale et solidaire et des bienfaits de l’engagement. Elle pourrait avoir lieu au début de l’été, si bien que les seniors qui souhaitent poursuivre une formation plus approfondie sur une discipline particulière puissent reprendre les cours dès Septembre. Elle pourrait être financée par une nouvelle forme de compte personnel de formation extensible à la retraite, abondée par les caisses de retraites, et soutenue par les entreprises, pour qui l’investissement dans la préparation à la 2ème vie de leurs salariés fera partie intégrante de leur RSE.

Bien sûr, il reste à définir le contenu de cette formation, ce qui n’est pas le plus aisé. Des concertations et des expérimentations devront être menées pour s’assurer que la formation soit efficace et satisfaisante pour ses participants.

En définitive, il devient urgent de s’investir pour le bien-être, au sens large, et la santé des seniors. Les activités socialisées en plus de garantir un vieillissement en bonne santé peut révolutionner notre conception du vieillissement. Pour cela des dispositifs de promotion et de formation à ces activités doivent être mises en place et l’université pourrait être notre meilleure alliée dans cette révolution.

La Chaire TDTE


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