Dépêche AEF - Le grand débat : Comment faire face aux défis de la dépendance ?

Le 5 octobre 2020 par Chaire TDTE

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En réaction au grand débat organisé le 30 septembre 2020 par la Chaire TDTE, l'AEF a fait paraître une dépêche sur les divergences de la piste du financement assurantiel de la perte d'autonomie.



Réforme de la dépendance : les fédérations d'Ocam affichent leurs divergences sur la piste du financement assurantiel


La chaire TDTE a organisé le 30 septembre 2020 une table-ronde sur les enjeux de financement de la dépendance, en conviant à cette occasion les représentants de la FFA, de la FNMF, de l'Ocirp et du groupe AG2R La Mondiale. Ces échanges ont pointé, malgré le récent rapport Vachey, l'absence à ce stade de réelle piste se dégageant pour financer cette réforme. Ce qui amène ces intervenants à plaider la pertinence de la piste assurantielle pour apporter des services ou financements complémentaires. Mais l'idée d'une assurance dépendance "universelle" divise toujours les assureurs.

 La chaire d’économistes TDTE a organisé de multiples débats au cours des dernières années sur les enjeux macroéconomiques du vieillissement et de la perte d’autonomie (lire par exemple ici, ici et ici sur AEF Info). Les thèses et constats exposés lors la nouvelle session du mercredi 30 septembre 2020 (organisée sous la thématique : "comment faire face aux défis de la dépendance") ne constituaient donc pas vraiment une surprise. Mais plusieurs éléments nouveaux sont toutefois ressortis des échanges.

des inconnues persistantes sur le financement

Le contexte de ces échanges tout d’abord - la mise en place d’une nouvelle branche Autonomie au sein de la sécurité sociale - a amené les intervenants à se prononcer sur le sujet. Si tous les intervenants - dont Florence Lustman, présidente de la FFA, et Thierry Beaudet, président de la FNMF - ont salué les perspectives ouvertes par cette création, c’est toutefois pour rapidement pointer ensuite les interrogations persistantes quant au financement d’une réelle réforme de la prise en charge du vieillissement et de la dépendance. Alors que les besoins se chiffrent, selon le rapport Libault de 2019, à au moins 6 Md€ d'ici 2024, le gouvernement n’a en effet annoncé pour l’heure qu’un renforcement de 1 Md€ des crédits accordés au médico-social dans le cadre du PLFSS 2021 - aux contours encore flous.

Sur cette question du financement de la réforme, les participants de la table-ronde ont également pointé l’une des limites du récent rapport Vachey, qui tient plus selon certains participants d’une "liste à la Prévert" que d’un véritable guide quant aux possibles pistes de financement (1). La présidente de la FFA a notamment souligné la difficile équation des pouvoirs publics consistant à promettre une réforme d’ampleur tout en refusant la perspective de création de nouveaux prélèvements obligatoires. Avec la crise du Covid-19 et l’allongement de vie de la durée de la Cades, la perspective d’une réaffectation d’une partie des recettes de la CRDS après 2024 s’est également envolée.

des divergences sur la piste assurantielle

Les représentants de la FFA et de la FNMF ont donc profité de cette table-ronde pour exposer en retour leur propre proposition d’une assurance dépendance "universelle" qui viendrait compléter une réforme reposant par ailleurs et en premier lieu sur un effort de la "solidarité nationale" - autrement dit des finances publiques. Depuis sa présentation il y a près d’un an (sur AEF info), les contours de ce projet n’ont guère évolué : il s’agirait toujours de mettre en place une nouvelle garantie dépendance adossée à tous les contrats santé - dont les contrats collectifs à adhésion obligatoire en entreprise. En partant de l’hypothèse d’un début de cotisations à partir de 40 ans, les experts promouvant cette solution estiment que cette nouvelle assurance obligatoire ne représenterait qu’un coût d’environ 10 euros mensuels pour les assurés. En retour, cette large mutualisation du risque permettrait de débloquer une rente complémentaire pour les personnes subissant une dépendance lourde (classement GIR 1 ou 2).

Ce n’est pas la première fois que ce projet est exposé. Mais, en invitant également Cécile Waquet, directrice adjointe pour la santé-prévoyance du groupe AG2R La Mondiale, la chaire TDTE a contribué à mettre en lumière, ce 30 septembre 2020, les profondes divergences du secteur assurantiel sur cette question. De longue date, le directeur général d’AG2R La Mondiale - André Renaudin - ne fait guère mystère de son scepticisme quant à la proposition portée par la FFA et la FNMF. Ce scepticisme est pour une fois formalisé durant cette table-ronde par Cécile Waquet : "L’idée, c’est de ne pas sursolliciter les actifs". Cette critique de l’ex-IGAS Cécile Waquet fait elle-même écho à celles de l’IGF Laurent Vachey qui, dans son récent rapport, pointe le fait que "la création d’une assurance privée obligatoire présente des inconvénients importants. Adossée à la complémentaire santé responsable, une telle mesure conduirait à renchérir significativement les contrats d’assurance santé, au risque d’accroître la non-assurance. Ce type de dispositif entraînerait un transfert de charges intergénérationnel au détriment des actifs".

Plus globalement, le scepticisme du groupe AG2R La Mondiale fait écho à celui du Ctip (lire sur AEF info) qui lui-même renvoie à la frilosité à ce stade des partenaires sociaux (tant syndicats que patronat) à l’idée d’un projet qui se traduirait de facto par une nouvelle augmentation du coût de la complémentaire santé d’entreprise.

une prise de position de la chaire TDTE

À l’issue de ces débats contradictoires, les économistes de la chaire TDTE ont toutefois pris position publiquement pour l’option défendue par la FFA et la FNMF. Ils estiment en effet qu’une assurance obligatoire est l’option la plus viable pour réduire à terme, et de manière significative, le reste à charge des ménages sur la perte d’autonomie (faute de changements, ce reste à charge, actuellement évalué aux alentours de 10 Md€, pourrait plus que doubler d'ici 2040). La chaire TDTE prend position également pour une cotisation obligatoire à partir de 40 ans - pour limiter le coût mensuel - plutôt qu’une cotisation facultative au moment de la retraite - comme le propose notamment André Renaudin. La chaire estime en effet que le coût de cette cotisation - au moment même où les revenus diminuent le plus souvent, du fait du passage à la retraite - serait trop important pour inciter les retraités à s’assurer.

Au final, si le projet de la FFA et de la FNMF gagne donc un soutien supplémentaire chez les experts de TDTE, cette table-ronde du 30 septembre débouche surtout sur la présentation au grand jour d’un front divisé au sein même du monde assurantiel - et ce au moment même où les pouvoirs publics pourraient prendre de premiers arbitrages, dans le cadre du futur projet de loi Autonomie.

(1) En réalité, deux semaines plus tôt, lors d’une autre table ronde organisée par UNA, l’inspecteur général des finances s’en était expliqué en soulignant que la lettre de mission du gouvernement ne lui demandait pas de trancher entre les différentes pistes de financement, mais plutôt de dresser un nouvel état des lieux exhaustif. Ce qui a dûment été réalisé via ce rapport.

 Grégoire Faney